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" Où on va, papa ? "

"Où on va, papa" Jean-Louis Fournier
  Illustré par Marie Decrausaz
Pour ma dernière année de formation en 2022 j’ai décidé que le produit découlant de mon travail de maturité sera un petit livre contenant des passages d’un roman déjà existant :   « Où on va, papa ? » de Jean-Louis Fournier (1ère édition : Editions Stock 2008, puis Editions Le livre de Poche 2016 ), que je vais illustrer.

Mon objectif principal est de faire le lien entre la richesse des émotions éprouvées lors de la lecture de ce livre ainsi que les très nombreuses et très diverses références artistiques évoquées par l'auteur à travers un recueil de 14 extraits illustrés.

À la fois simple, poétique, drôle, ironique, parfois cruel et méchant, le style de ce roman ne se dépare jamais d’une totale authenticité et d’une complète sincérité, ce qui rend sa lecture très agréable.

Voici donc mon produit final :)
Où on va, papa, illustré par Marie decrausaz
Détails sur les illustrations
Illustration 1 (p. 7-10)
Dès les premières lignes du livre, Fournier mentionne « Quand vous étiez petits, j’ai eu quelques fois la tentation, à Noël, de vous offrir un livre, un Tintin par exemple. » (l.3-5) ou encore « Je connais bien Tintin, je les ai lus tous plusieurs fois. » (l.6)
J’ai donc choisi d’illustrer ce passage qui nous informe d’emblée du contexte du livre et en illustrant cette question répétitive que Mathieu ne cesse de demander « Où on va, papa ? » lors des trajets en voiture.
Pour cela, j’ai imité le style d’Hergé, le créateur de Tintin. Le style étant naïf et joyeux, j’y ai ajouté du texte en arrière-plan pour montrer le côté « comique de répétition » de cette phrase répétée inlassablement.
Illustration 2 (p. 19)
Ce court passage parle de la représentation du normal et de l’anormal, et Fournier compare un enfant anormal à un enfant flou, déformé à travers un verre dépoli. En cherchant des références d’artistes qui représentaient des visages humains déformés, j’ai tout de suite pensé à Picasso, dont il fait d’ailleurs référence lors d’un autre passage à la page 110.
Illustration 3 (p. 27)
Naissance de Thomas, son 2ème enfant, et l’illusion d’avoir un enfant « normal », « Je me souviens d’avoir confié à mes amis que, cette fois, je me rendais compte de ce que c’était d’avoir un enfant normal. » (l.8-10). Fournier fait référence à Sandro Botticelli, artiste du début de la Renaissance italienne, et compare son premier regard sur Thomas à une représentation d’ange de Botticelli. J’ai donc créé un visage enfantin et pur en essayant de me rapprocher du style de Botticelli.
Illustration 4 (p. 59-60)
Dans ce passage, Fournier évoque les corsets chromés que ses enfants doivent porter, les comparant à des guerriers romains ou à des personnages de bande dessinée de science-fiction. « Quand on leur met le corset, ils ressemblent à des guerriers romains avec leur cuirasse ou à des personnages de bande dessinée de science-fiction, à cause du chrome qui brille. » (l. 15-18). De là j’avais le choix entre beaucoup de références : le magazine « Métal Hurlant » pour les personnages de science-fiction, ou encore l’esthétique de la Rome antique. Finalement j’ai  porté mon choix sur « Alien » un personnage culte du cinéma dessiné par l’artiste suisse Hans Ruedi Giger, avec son aspect monstrueux et sa carapace brillante.
Illustration 5 (p. 72-73)
Ce passage parle de la capacité d’aimer. A travers des mots poétiques et puissants, Fournier nous donne une définition du sentiment de l’amour que ses enfants ne connaîtront jamais. Comme il n’y a pas de référence directe dans ce texte, j’ai donc réfléchi inversément. Que devient un humain sans amour ? Cela m’a fait toute de suite penser au film « Elephant Man » de David Lynch, que j’ai vu il y a quelques années et qui parle d’un homme « monstrueux » et « anormal » qui est relegué à devenir une bête de foire. Dû à son apparence hors-norme, il ne
connaîtra jamais l’amour, comme les fils de Fournier.
Illustration 6 (p. 75)
Jean-Louis Fournier nous explique qu’il vient d’inventer un oiseau qui s’appelle « Antivol », un oiseau qui n’a pas d’ailes et qui est donc handicapé. II a le vertige et il a en plus le culot de se moquer des oiseaux qui volent, des oiseaux normaux. « Antivol » est en effet une création de Fournier, qui est apparu dans les années 1980 sur « Antenne 2 » dans l’émission « Récré A2 ». J’ai donc dessiné ce personnage avec mon style dans deux postures différentes dont une à l’envers pour illustrer la phrase suivante : « Comme si Thomas et Mathieu se moquaient des enfants normaux qu’ils croisent dans la rue. Le monde à l’envers. » (l. 11-13)
Illustration 7 (p. 82)
Ce passage raconte la mort de l’aîné, Mathieu, décédé subitement après une opération de la colonne vertébrale. Il compare la posture voutée de son fils à un vieux paysan : « À quinze ans, il a la silhouette d’un vieux paysan qui a passé sa vie à bécher la terre. » (l. 2-4). En cherchant des artistes qui s’inspiraient de la vie des paysans pour leurs oeuvres, Jean-François Millet, un peintre réaliste, est sorti du lot. Fils d’agriculteurs, son thème principal tourne autour de la dure vie agricole dans des tableaux réalistes (Millet Jean-François, biographie : https://de.wikipedia.org/wiki/Jean-Fran%C3%A7ois_Millet).
Illustration 8 (p. 85)
Passage très court où Fournier nous dit : « Il ne faut pas croire que la mort d’un enfant handicapé est moins triste.
C’est aussi triste que la mort d’un enfant normal. » (l. 1-3). D’après mes recherches, j’ai trouvé très peu de représentations
d’enfants morts dans l’histoire de l’art. Par la suite, c’est surtout la photographie qui a pris la relève de ce douloureux sujet. J’ai choisi de représenter une oeuvre de Robert Humblot datant du XXème siècle – « L’enfant mort » représentant un enfant décédé, entouré de ses parents dépités.
Illustration 9 (p. 88)
Fournier écrit : « Thomas adore dessiner et peindre. Il est plutôt tendance abstrait. » (l. 6-7). Puis : « Son style n’évolue pas beaucoup, il reste proche de Pollock. Sa palette est vive. » (l. 13-14). Fournier parle des dessins de Thomas comme d’un artiste et l’idéalise. Mon illustration est un portrait de Thomas avec un style et une palette de couleurs qui s’approche du style de Jackson Pollock.
Illustration 10 (p. 98-99)
Fournier nous questionne sur le thème du normal et de l’anormal, en parlant d’artistes de génie comme Einstein, Mozart, ou Michel-Ange, qui eux n’étaient pas comme les autres non plus. « Quand je parle de mes enfants, je dis qu’ils ne sont « pas comme les autres ». Ça laisse planer un doute. Einstein, Mozart, Michel-Ange n’étaient pas comme les autres. » (l. 24-28). J’ai opté pour une référence à Michel-Ange.
Illustration 11 (p. 110)
Pour cette 11ème illustration, j’ai pris comme référence Jean Dubuffet, l’inventeur du concept d’Art Brut en 1945, et qu’il définit de la manière suivante : « Nous entendons par là des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistiques, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en oeuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écritures, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe.» («Art Brut», définition: https://www.artbrut.ch/fr_CH/art-brut/qu-est-ce-que-l-art-brut). Fournier écrit à ce sujet: « Ce jour-là, j’aurais donné cher pour des animaux tordus comme des chameaux rigolos à la Dubuffet... » (l. 7-9). Je me suis donc inspiré
des croquis presque enfantins des chameaux que Dubuffet dessinait et je les ai mixés avec ses collages rouge et bleu.
Illustration 12 (p. 111-112)
Dans ce passage, Fournier imagine une lettre que Mathieu aurait pu lui écrire pour la fête des Pères, et comme Fournier aurait voulu qu’il puisse s’exprimer. C’est une lettre pleine d’humour et d’auto-dérision. J’ai imité un dessin d’enfant accompagnant la lettre, car dans la lettre Mathieu dit : « Tu trouveras derrière la lettre un dessin que j’ai fait pour toi. Mathieu, qui ne sait pas dessiner, t’embrasse. » (l. 13-15, p. 112). Le « gribouillage » représente le papa, la maman et la soeur Marie, heureux devant une maison. Pour ces dessins, je me suis inspirée de mes propres dessins que je faisais étant très jeune afin de retranscrire le mieux possible un dessin d’enfant.
Illustration 13 (p. 137-138)
C’est l’extrait que j’ai trouvé le plus prenant. La manière dont Fournier décrit les résidents de l’institut spécialisé et la folie est très intense et émouvante. Il dit lui-même se sentir étrange et ridicule face à ces personnes hors-normes.
« Un autre, qui fait avec ses bras des contorsions devant son visage, fait penser aux autoportraits d’Egon Schiele. » (l. 11-13, page 138). J’ai reproduit un homme qui se contorsionne, avec des traits bruts et simples comme les dessins d’Egon Schiele, en essayant de donner une impression de mouvements comme une danse. L’homme est dédoublé pour représenter le fait qu’il est dans son monde, la folie.
Illustration 14 (p. 144-145)
Ce dernier extrait illustré, qui est aussi le dernier chapitre de « Où on va, papa ? » marque la fin de son récit. Il y explique de manière désabusée qu’il s’est perdu en route, qu’il ne sait plus très bien qui il est. « Ma route se termine en impasse, ma vie se termine en cul-de-sac. » (l. 7-8, p. 145). Fournier nous démontre bien son désespoir et son impuissance face aux événements.
Il fallait une illustration sombre, qui donne une émotion de désespoir profond. Christophe Hohler, un de mes artistes favori, a souvent comme thème la mort et l’être humain désespéré. Il mélange les traits et les textures. J’ai dessiné un homme dans une position qui pourrait s’apparenter au « Penseur » de Rodin.
" Où on va, papa ? "
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